Nanterre
L'antenne médicale du Centre d'Hébergement et d'Accueil pour Personnes Sans Abris de Nanterre est un lieu unique en Europe.
Dans ce service, environ 60 personnes, sans domicile fixe, passent chaque jour pour être soignées par l’équipe médicale du docteur Xavier Emmanuelli.
Les patients qui arrivent là, ont bien souvent tout perdu. Pour la plupart, ils n’ont plus conscience de leur intégrité corporelle. Plus personne n’écoute leurs paroles ni leurs plaintes. Leur corps sont cassés, brisés par l’exclusion. A défaut de s’exprimer avec la bouche, c’est leur corps qui parle, leur peau devient le support pour des eczémas, psoriasis, lésions de toute nature.
Au delà de la technicité, de l’efficacité hospitalière, ces hommes et ces femmes retrouvent pour quelques minutes une attention, un regard, une écoute de la part du personnel soignant. Moments privilégiés ou deux mondes se retrouvent.
Nanterre 1994
Moscou
En Russie, le traitement social des personnes sans-abris est radical.Ces "bomji" ne pouvant fournir de certificat de domiciliation, appelé “propiska”, sont incarcérés dans des centres de rétention particuliers, appelés “priomnick”.
Ces lieux sont de véritables gares de triage entre l’asile, la prison ou le retour à une liberté précaire. Deux ont été aménagés à Moscou.
Celui dans lequel j’ai pu pénétrer, au 45 rue Novoslobodskaiä Ulitsa grâce à Médecins Sans Frontières, reçoit près de 4 000 hommes et femmes chaque année.
La durée moyenne de rétention est d’une quinzaine de jours. Il est très difficile pour ces “bomji”, anciens détenus ou nouveaux immigrés venus de la province ou d’anciennes républiques soviétiques, d’obtenir la fameuse “propiska” ce qui fait qu’ils ne sortent pas du cercle infernal : rue, “priomnick”.
Le communisme a quitté la scène, le libéralisme ne semble pas engager à plus de solidarité, car aucune solution plus humaine n’a été mise en place pour que les sans abri puissent, un jour, réintégrer la société russe.
Moscou 1995
Zurich
Créé il y a une dizaine d’années par le Pasteur Ernst Sieber ce lieu accueille les toxicomanes désocialisés de Zurich.
Ces jeunes gens, le plus souvent sans domicile fixe, en rupture avec la société et leur famille, ne peuvent plus bénéficier du système de santé suisse. Leur dernier recours réside dans les trois services du centre où écoute, assistance et soins sont dispensés sous la responsabilité du Docteur Walter Munz.
Chaque jour, environ 70 personnes trouvent méthadone et soins ponctuels au sein du service de médecine ambulatoire. Ceux qui nécessitent des soins plus lourds sont accueillis dans un service médicalisé du centre. Douze lits, occupés en permanence, permettent à ceux qui sont en phase terminale du sida de mourir en toute dignité. Le “Sune Egge” est le seul centre en Suisse qui offre ainsi une assistance globale aux toxicomanes touchés par le sida.
En effet, dans cette institution, agonie et décès ne sont pas refoulés. Le processus de deuil est une part importante de l'accompagnement.
Zurich, 1995
Le Caire
Au milieu des années 50, poussés par l’extrême misère qui régnait en Haute et Basse Egypte, des paysans ont quitté leurs terres pour aller s'installer dans un quartier Est du Caire, Imbaba. Devenus chiffonniers par nécessité, ils ont été très vite dispersés par la police. Ils se sont alors répandus dans six secteurs autour du Caire. Ezbet El Nakhl est l’un de ces quartiers où vivent des «zabbalines».
Méprisée par les Cairotes du fait de leur activité, cette communauté est composée à une très forte majorité de chrétiens coptes et d'une minorité de musulmans.
Les ordures sont ramassées quotidiennement par les pères de familles dans les rues du Caire. Le tri des ordures, réalisé à la main par les femmes et les enfants, consiste à récupérer tout ce qui peut être recyclé ou servir a nourrir les cochons. Chaque membre de la famille est un maillon essentiel de la chaîne. Ainsi, dans la journée, une tonne de déchets est traitée par famille.
Depuis quarante ans, les conditions de vie des “zabbalines” ont très peu évoluées. Alors qu’aucun service municipal de ramassage des ordures n’existe, leur situation reste toujours aussi précaire. Dans un contexte économique, social et religieux de plus en plus hostile à leur présence dans les rues du Caire, les autorités égyptiennes leurs refusent toute reconnaissance légale.
Bien qu’ils ne soient pas reconnus pas les autorités, les « zabbalines » contribuent pour une grande part à l’économie du pays.
Le Caire 1996
Johannesburg
A quelques kilomètres de Johannesburg, Germiston et son township métis.
Là, pris en étau entre des industries pétrochimiques et une importante voie de chemins de fer, vivent environ 3 000 personnes. Trop noir pour certains pas assez pour d’autres, ils ne font que survivre dans une société où ils ne peuvent trouver leur place.
La très grande majorité d’entre eux, sans emplois, survivent grâce à de petits travaux ingrats et mal payés afin d’assurer leur quotidien. Une très grande violence règne dans ces zones de non-droit où la police rechigne à exercer sa mission de maintien de l'ordre.
A mon grand étonnement des hommes et des femmes me disaient combien ils étaient amenés à regretter l’époque de l’apartheid tant leur condition de vie actuelle est difficile et dégradante.
Cette communauté ne se retrouve pas plus aujourd’hui qu’elle ne se retrouvait hier dans la politique menée dans un pays où il ne fait pas bon d’être d’une couleur différente de celle au pouvoir.
Johannesburg 1997